Les bilans de fin d'année se préparent, et avec eux, un mot d'ordre : comprendre nos charges et agir sur les coûts. Parmi les différentes taxes à payer se trouve une ligne noyée parmi tant d'autres : la contribution AGEFIPH. A quoi correspond-elle ? Comment se calcule-t-elle ? Comment agir pour la faire diminuer, voire disparaître ?
La contribution AGEFIPH, autrement appelée taxe handicap, a été créée par la loi n° 85-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés. Selon cette loi, les entreprises doivent justifier de 6% de travailleurs handicapés au sein de leurs effectifs. Le cas échéant, elles se voient apposer chaque année une "pénalité" financière. Depuis le 1er janvier 2019, les contours de la loi sont modifiés apportant sur certains points une véritable (r)évolution.
Cette loi est très souvent subie par les employeurs et perçue négativement. A juste titre car au-delà du bien-fondé profond de cette obligation, les entreprises ont dû faire face à cet objectif sans accompagnement, seules face à leurs préjugés et stéréotypes. Heureusement, depuis plusieurs années les choses évoluent et se professionnalisent. Un grand nombre de sociétés mettent en oeuvre de nombreux moyens pour s'engager dans cet enjeu sociétal majeur, mais une autre partie, qui demeure encore trop grande à nos yeux, ne sait pas comment faire ou tout simplement s'est résignée à subir et à payer.
Cet article a pour objectif de lever le voile sur cette contribution. De mieux la comprendre pour y donner du sens et par là-même trouver les leviers d'actions possibles pour y répondre.
1/ Qui est assujetti ?
Cette obligation légale concerne toutes les entreprises de + 20 salariés, secteur privé et public, et ce quel que soit le domaine d'activité.
Ce qui change avec la nouvelle loi :
- à partir du 1er janvier 2020, les entreprises de moins de 20 salariés devront déclarer leurs bénéficiaires de l'obligation d'emploi. En revanche, elles ne sont toujours pas assujetties.
- l'effectif de BOETH sera calculé sur un taux effectif moyen annuel
- l'effectif d’assujettissement ne sera plus calculé au niveau des établissements mais de l'entreprise au global (un certain nombre d'entreprises non assujetties jusqu'alors vont se retrouver concernées dès le 1er janvier 2020)
2/ Comment se calcule-t-elle ?
Cette contribution se calcule en multipliant le taux horaire du SMIC (10.03 euros en 2019) par un taux défini selon la taille de vos effectifs puis par le nombre de travailleurs handicapés manquants (voir les exemples ci-dessous).
Ce calcul vous permet de connaître le montant de votre contribution brute. Il faudra ensuite venir déduire les différentes dépenses déductibles que vous aurez réalisé au cours de l'année.
Ce qui change avec la nouvelle loi :
- le seuil de 6% devient un seuil plancher et ne peut être atteint que via l'emploi direct
- les déclarations se feront mensuellement via le système de la DSN
- l'URSSAF devient l'organisme collecteur
- les minorations disparaissent, seuls les +50 ans sont valorisés
- la sous-traitance ne permet plus de bénéficier d'unités bénéficiaires mais devient un élément de déduction plafonné à 50% ou 75%. De même, un taux unique de 30% s'applique à tous sur le montant total HT de vos dépenses (ex : j'ai acheté 30 000 euros de fournitures ou prestations, je ne peux déclarer que 9 000 euros (30 000*30%), sur lesquels va venir s'appliquer le second plafond préalablement cité de 50% ou 75% selon votre taux d'emploi. (Art. D. 5212-22)
- simplification des lignes de dépenses déductibles : on passe de 11 lignes à 3 lignes (accessibilité des locaux, actions de maintien dans l'emploi et de reclassement et actions de formation et job coaching).
3/ Principe de majoration
Ce principe s'applique à toute entreprise, quel que soit sa taille, qui n'a mis aucune action en oeuvre en faveur de l'inclusion du handicap pendant 3 années consécutives.
Sur ce principe, la nouvelle loi n'apporte aucun changement : le taux applicable est de 1500 x le SMIC horaire. (Art. D. 5212-21)
Attention, pour les entreprises qui font appel à la sous-traitance auprès du secteur adapté et protégé, "le montant du prix hors taxes payé des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de services mentionnés à l’article L. 5212-10-1, duquel sont déduits les coûts des matières premières, des produits, des matériaux, de la sous-traitance, des consommations intermédiaires et des frais de vente et de commercialisation, doit être supérieur, sur quatre ans, à 600 fois le salaire horaire minimum de croissance brut". (Art. D. 5212-21).
Pour connaître le montant exact de votre contribution AGEFIPH, n'hésitez pas à utiliser notre calculateur!
4/ Quelques exemples chiffrés prenant en compte les nouvelles mesures
Prenons ici 3 exemples sans application de majoration :
- entreprise de 100 salariés => obligation de 6 TH, contribution brute sans action = 24 072€
- entreprise de 350 salariés => obligation de 21 TH, contribution brute sans action = 105 315 €
- entreprise de 800 salariés => obligation de 48 TH, contribution brute sans action = 288 864€
Dans les exemples présentés dans le tableau ci-dessous, chacune de ces entreprises a déjà mis en place des actions en faveur de l'inclusion du handicap au travers d'actions internes et externes. Notre calculateur permet de visualiser chaque ligne de dépense et d'identifier par la suite les axes à développer. Ces éléments seront repris et détaillés dans un webinaire Handifeel's dédié aux "impacts de la nouvelle loi sur vos déclarations AGEFIPH" (Cf. Blog)
Les constats sont les suivants :
1/ un taux direct d'emploi <3% a comme conséquence directe un montant de contribution brute qui demeure élevé et un plafonnement à hauteur de 50% des dépenses auprès des EA/ESAT/TIH.
2/ même si les montants dépensés auprès des achats adaptés et protégés sont importants, la déduction associée reste limitée.
En effet, dans ces trois entreprises, le taux d'emploi direct est faible (<3% des 6% obligatoire), alors que le montant des achats auprès du secteur adapté et protégé est important. Si l'on se réfère aux anciennes modalités de calcul, cette stratégie se comprend puisque les achats auprès des ESAT/EA étaient transformés en UB (unités bénéficiaires) avec un impact direct sur le montant de la taxe. Mais au regard de la nouvelle loi cette logique devrait être inversée.
Ainsi, si l'entreprise de 100 salariés augmentait son taux d'emploi direct en recrutant 2 personnes reconnues TH, passant donc de 1 salarié TH à 3 salariés, sa contribution passerait de 12 560€ à 4 832€, voire 1221€ si elle recrutait des TH de +50 ans. En revanche, si au lieu d'augmenter son taux d'emploi direct, elle augmentait sa part d'achat auprès du secteur adapté ou protégé, passant de 20 000€ à 50 000€, sa contribution passerait de 12 560€ à 8 530€.
=>> Nous voyons bien ici que l'objectif est donc d 'encourager les entreprises à recruter ou à agir en interne en accompagnant leurs collaborateurs dans cette démarche de reconnaissance de travailleur handicapé.
Pour ceux qui vont réagir en disant que cette loi désavantage le recours à la sous-traitance auprès des ESAT et EA, précisons deux choses : tout d'abord, les achats effectués restent valorisés et plus le taux d'emploi direct est grand, plus le pourcentage déductible est important. Et, second point qui à mon sens est majeur, depuis le 1er janvier 2019 la loi a transformé le fonctionnement des EA passant d'une obligation d'emploi de 80% de TH au sein de leurs unités de production à une obligation de 55% de leur effectif global. De fait, il est logique de plafonner le montant déductible de ces achats dont la réalisation peut être portée en grande partie, voire en totalité par des personnes "valides", autrement dit non TH.
Prenons pour dernier exemple, l'entreprise majorée :
ex 1 : une entreprise de 50 salariés n'ayant aucun travailleur handicapé payera :
=>> 12 036€ pendant 3 ans
=>> 45 135€ à partir de la 4 ème année
ex 2 : une entreprise de 100 salariés n'ayant aucun travailleur handicapé payera :
=>> 24 072€ pendant 3 ans
=>> 90 270€ à partir de la 4 ème année
ex 3 : une entreprise de 500 salariés n'ayant aucun travailleur handicapé payera :
=>> 150 450€ pendant 3 ans
=>> 451 350€ à partir de la 4 ème année
5/ Quels leviers pour agir ?
Avant d'aborder ce dernier chapitre, faisons un point sur l'objectif de cette contribution. Jusqu'à présent l'AGEFIPH était à la fois organisme collecteur et organisme d'accompagnement et de services auprès des entreprises. A partir du 1er janvier 2020, l'URSSAF devient collecteur et l'AGEFIPH conserve ses attributions premières. Ainsi, cette contribution permet de financer aussi bien des aides dédiées à l'entreprise (aide au recrutement, à l'aménagement des situations de travail, des formations pour assurer le maintien dans l'emploi de leur collaborateur) qu'aux personnes en situation de handicap (accompagnement dans les démarches de recherche d'emploi et d'insertion professionnelle).
1/ Levier d'action externe : le recrutement
Bien souvent, lorsque nous rencontrons de nouveaux clients, la première action mise en avant est le recrutement de travailleur handicapé. Bien évidemment, cet axe est incontournable et important car, comme nous aimons à le dire, si vous êtes dans une perspective de croissance et de recrutement pourquoi ne pas ouvrir le champ des possibles en intégrant au sein des équipes des personnes en situation de handicap ?
Mais face à ce postulat se posent deux réalités :
- Tout d’abord, grand nombre d’entreprises ne sont pas dans cette logique de développement et de recrutement. Les TPE, PME dont nous parlions en introduction doivent en priorité stabiliser leur fonctionnement, leur trésorerie avant d’envisager l’introduction de nouvelles charges, notamment salariales.
- Le second point concerne toute la difficulté et le risque que représente un recrutement. D’une façon générale, recruter un nouveau collaborateur n’est pas une chose anodine et malgré tous les tests, entretiens et autres garde-fous mis en place, le risque d’un mauvais recrutement est réel. Dans le cas d’une personne qui n’est pas en situation de handicap, les conséquences sont avant tout financière et temporelle (investissement des équipes dans le process d’intégration et de formation, formalités administratives du service RH pour la mise en place du contrat, puis finalement son arrêt, etc.). Mais dans le cas d’un recrutement d’un travailleur handicapé, à tout cela s’ajoute le risque porté sur la personne et par la personne quant à une mauvaise adéquation santé/poste. Les conséquences sont ici bien plus grandes et surtout multiples : aggravation de la situation de santé, arrêt de travail, sentiment d’échec au niveau de la personne, mauvaise expérience des équipes qui ne souhaitent plus s’investir dans cette démarche (nous entendons très souvent ce discours « nous, on a essayé et ça a été un véritable désastre »). Le recrutement d’un collaborateur TH n’est donc pas chose anodine et nous ne saurons que conseiller aux équipes RH, et plus largement aux dirigeants d’entreprises, de se faire accompagner sur ce volet.
En résumé, le recrutement demeure un levier d’action important et à ne pas négliger mais à la condition de mettre en œuvre les moyens nécessaires et spécifiques pour que l’inclusion de ce nouveau collaborateur soit sécurisée, et de ce fait, couronnée d'un succès.
2/ Les leviers d’actions interne :
Ces axes d’interventions constituent notre cœur d’activité. Parce-que nous sommes convaincues qu’il est essentiel de travailler ce sujet au sein des équipes et avec les équipes, nous avons développé une offre de services spécifiques sur ce volet. Sans entrer dans les détails de nos prestations (que vous pourrez retrouver sur notre site), voici dans les grandes lignes les leviers d’actions possibles :
- Maintien dans l’emploi : quel que soit votre domaine d’activité, la notion de pénibilité concerne tous types de postes. Je m’explique : même si aujourd’hui le concept de «pénibilité au travail » est normé et encadré par la loi, il est important de considérer que toutes tâches, parce-qu’elles sont quotidiennes, répétitives, et tout simplement parce-qu’elles sont réalisées par des hommes et des femmes dont la situation de santé n’est pas immuable, peuvent engendrer des conséquences sur la situation de santé.
Ainsi, nous pouvons agir à deux niveaux :
o tout d’abord, accompagner vos équipes sur ce versant de l’adéquation santé/poste en évaluant avec eux des situations pouvant conduire à des problèmes de santé, voire à la mise en place d’une RQTH. Le rôle de tiers que nous jouons ici à un impact évident et fort.
o puis, sur le volet de l’étude, de l’aménagement de poste ou de la mobilité interne : parce-qu’il est possible d’agir sur l’environnement de travail pour le modifier, et ce dans un cadre de dépenses mesuré, voire quasiment nul, notre objectif est de vous permettre de poursuivre votre collaboration avec ce salarié que vous avez recruté, formé, qui partage vos valeurs et en qui vous avez toute confiance.
- Formation/sensibilisation : agir sur la contribution AGEFIPH ne peut se faire sans penser la mise en place d’une politique Handicap pérenne et au long terme. Ainsi, il est essentiel de donner du sens à vos actions. Et pour cela, un des premiers leviers à mobiliser est encore une fois vos équipes. Parce-que la seule décision d’agir de la Direction en suffit pas, impliquez vos équipes, sensibilisez-les sur le sujet, formez-les pour accompagner sur le long cours vos actions et garantir leur réussite !
- Identification d’un référent handicap : enfin, dernier exemple d’intervention possible, l’identification et la mise en place d’un référent handicap. Si la Loi en fait une obligation pour les entreprises de +250 salariés, nous pensons que la mise en place d’une ressource interne sécurise et favorise la pérennité de votre politique. Parce-qu’un recrutement n’est jamais garanti, parce-que vos salariés ont des objectifs personnels qui les conduisent parfois à quitter votre entreprise, parce-qu’une RQTH n’est pas attribuée à vie (sauf depuis 2019, dans le cadre de certaines pathologies), il est essentiel d’agir et de penser au quotidien l’évolution de notre Politique Handicap ! Handifeel’s est convaincu de l’importance de cette ressource et vous accompagne dans sa formation et sa supervision.
Voilà ce que nous pouvions dire aujourd'hui sur ce vaste sujet. Cette contribution, nous l'avons vu, n'est pas immuable. Toutefois, il est essentiel de considérer ce sujet comme un enjeu sociétal à part entière, dans lequel chacun à sa place et un rôle à jouer. Préparons ensemble et dès aujourd'hui les actions de demain!
Vous avez trouvé cet article intéressant et vous souhaitez en savoir plus sur votre contribution, rendez-vous sur notre calculateur !
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